- C'est ici chez toi ?
- Oui, Monsieur.
- Bien, entre vite et appelle ta mère !
Cette conversation se déroule à Stuggart, une fin d'aprè-midi de printemps, dans un quartier
de la vieille ville, entre un homme de haute stature - le regard vif, le visage ouvert - et un garçonnet
qu'il tient par la main.
Quelques minutes à peine, et une femme jeune encore apparaît. Sur ses traits on lit
l'étonnement et l'inquiétude.
- Bonjour, madame, je suis le nouvel instituteur de Jean-Christophe. Je vous ramène
votre fils....
Sans attendre la fin de la phrase la femme pousse un cri :
- Ah ! Monsieur, vous ne le voulez plus? N'êtes-vous pas satisfait de son travail ? Il nous
semble pourtant très appliqué ; M. Gundert, votre prédécesseur, l'a toujours dit.
- Tout à fait mon avis, madame, cet enfant est précisément trop doué pour que je le garde
dans ma petite école. Il ne doit pas devenir ouvrier, votre Jean-Christophe. Faites-lui faire des études.
Croyez-moi, il deviendra quelqu'un.
- Des études, monsieur l'instituteur ? Nous ne demanderions pas mieux ! Il en a des dons,
notre aîné ! mais mon mari n'a que son travail de boulanger, et nos charges de famille sont lourdes...
Ou donc trouver l'argent ?
- Ne vous tourmentez pas ! De l'argent, pour un but pareil, il y en a toujours. Je vous le répète,
cet enfant sera un homme remarquable.