L'Allemagne de la fin du dix-huitième siècle - et des débuts du dix-neuvième siècle - présente
une physionomie morale très particulière. Les écrits de Voltaire ont agi de façon profonde sur la
classe cultivée ; le rationalisme issu de la Révolution française a ruiné la foi de la masse. Pourtant
la vie religieuse n'a pas disparu. Dans le pays tout entier, au Wurtemberg notamment, on voit se
créer de petits cercles ; ils réunissent en associations indépendantes des âmes que ne satisfait
plus le culte conventionnel et froid de l'Eglise établie. Groupes "piétistes ", à certains égards, mais
porté par une spiritualité combien vivante. Si le royaume wurtembergeois a été préservé de la
religion sentimentale et morbide qui sévissait ailleurs, il le doit surtout à l'action puissante de deux
hommes d'élite : Jean-Albert Bengel et son disciple Oetinger. L'un et l'autre , ils ont préconisé un
retour à la Bible, mais aussi souligné la nécessité d'une étude approfondie, sérieuse, du texte
sacré.Dans leur bouche, sous leur plume, nul procès de l'institution ecclésiastique ; c'est le
message de l'Eglise, faire oeuvre positive toujours, tel est leur mot d'ordre.
La soif de la Parole divine est grande, et le succés des "réunions " prodigieux. Pas de ville,
pas de village même qui n'ait son " assemblée ", recrutée dans toutes les classes sociales. On
attend le retour du Christ et la venue du Royaume, mais d'une attente active : quand se fonde la
maison de Bâle, ces cercles-là se montrent particulièrement généreux.